2.3.05

[OPINION] P2P et copie privée: les voix des sirènes


Vous en avez assez des arguments faciles et maintes fois ressassés.

Vous sentez que la situation actuelle est absurde, mais personne ne vous donne ni les bonnes explications, ni les bons arguments. Entre les ardents défenseurs de la copie privée et les diabolisateurs de l'internaute-pirate, la situation devient définitivement manichéenne.


Et vous n'êtes ni un pirate, ni un saint.


Il faut regarder les choses en face. Aucun tribunal n'accepte la défense basée sur le droit à la copie privée. La Belgique s'apprête à faire passer une loi contre l'usage de la copie privée. On commence à voir poindre un mouvement de radicalisation des positions gouvernementales en Europe, face à la montée des contestataires de tout poil. L'argumentation échevelée de certains sur le P2P commence à s'épuiser, ne convainc plus les internautes, et agace les pouvoirs publics.


Même Jean-Baptiste Soufron, désormais convaincu de la nécessité d'une reconnaissance du droit du public en matière de protection intellectuelle, est obligé de recourir à des contorsionnements pour aboutir à ses fins. Et pourtant, lui-même n'a pas toujours été convaincu par sa position actuelle. Vu sur le Forum des Droits sur l'Internet, réponse de JB Soufron à un topic sur le P2P:


" L'exception de copie privée permet à un utilisateur de faire une copie (1) d'une oeuvre tant qu'il agit de façon non-commerciale (2) et dans le cadre du cercle familial. Dans le cadre du P2P, nous sommes dans un système de copies (1) non-commerciales (2). Le seul problème légal du P2P repose donc sur la notion de cercle familial (3). Cette notion a déjà été élargie du strict cercle familial à celui des amis mais on pourrait peut etre l'étendre encore ou carrément la supprimer. C'est en ce sens que je voulais dire que le caractère légal ou illégal du P2P se joue entièrement sur la définition de la notion de public. Si le public des oeuvres échangées en P2P peut etre assimilé à un cercle restreint, c'est immédiatement légal. Sinon, c'est sans doute aujourd'hui illégal. Partagez-vous mon opinion? "


Il faut, de toute façon, se méfier des arguments tirés du droit à la copie privée. L'article L.122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle ne prévoit l'usage de la copie privée que pour un usage personnel ou dans le cercle de famille. Un réseau P2P n'est pas un cercle familial, ni même un cercle d'amis. La position des Audionautes ne pourra être justifée que par une décision élargissant le cercle de famille à la terre entière, à défaut d'une loi qui supprimerait la référence au cercle de famille ou l'élargirait. L'une et l'autre sont improbables.


La solution n'est pas là. Elle ne l'a jamais été.


La libre circulation du savoir n'est pas l'excuse à tous les débordements. Piller l'oeuvre d'un artiste musical, faiblement rémunéré par sa maison de disques, n'a rien à voir avec la libre circulation du savoir. La culture n'y gagnera rien. Elle y perdra même.

Pour autant, la proie facile qu'est l'internaute-téléchargeur-pirate a vécu.

La solution n'est donc pas dans l'utopie d'une copie privée pour la Terre entière, mais dans la négociation.

Nous payions hier nos CD 18 Euros. Négocions et essayons d'obtenir moins. 1 Euro le titre, cela revient à 15 Euros l'album. C'est encore un peu cher mais on y gagne quand même. Favorisons la négociation, jouons sur les atouts que nous avons: la vente de DVD musicaux en forte augmentation (ce qui tenderait à prouver que la baisse des ventes de CD n'est pas due qu'au P2P), et la nécessité impérieuse pour les maisons de disques d'aboutir à une solution de diffusion économiquement viable à court terme. Je ne crois pas en la possibilité d'établir une licence légale et payée par tous les internautes, parce qu'elle serait fondamentalement injuste. Et économiquement inefficace.

Saluons les intiatives heureuses quand il y en a. L'apparition des sites de majors proposant des titres à télécharger est une bonne chose. Mais il faut que la concurrence s'étoffe, ou que les FAI se mettent à proposer eux-même des offres de téléchargement musical, car il faut faire baisser les prix.

Il faut arriver à une solution de marché, pas à une solution néo-communiste de communautarisation de la culture.

Poursuivre individuellement les internautes est absurde, promouvoir la copie privée est irresponsable.

Entre les deux, le retour aux lois du marché est la solution. Le poids numéraire et économique que représentent les internautes de tous les pays connectés est l'enjeu.

Nul doute que ce poids serait un atout de choix si nous arrêtions d'écouter les voix des sirènes.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je ne suis pas encore familier de l'ensemble de la problèmatique " copie privée" et respect du droit d'auteur mais je trouve votre texte trés équilibré et plein de bon sens. Une seule question : pourquoi dans tout de ce " remue méninges" n'évoque t'on pas l'intérête des majors de l'audio-visiuel. Mettre en avant uniquement le soucis de défendre le pauvre auteur me semble un peu caricatural. Sauf erreur de ma part ils ne sont pas ( les auteurs) les plus intéressés, en pourcentage, au prix de vente des CD et autres DVD.